Nos petits bonheurs. (1)

Jérôme et moi tenons un cahier dans lequel nous inscrivons nos petits bonheurs de la vie quotidienne. Je suis tellement touchée par ceux de Jérôme que j'ai décidé, avec son autorisation, de vous en livrer quelques uns.

Samedi 06 avril 2013 (Jérôme)

Sentir dans les rues de la capitale administrative de la province du "Heilongjiang" ("le fleuve du dragon noir", côté Chine - "le fleuve Amour", côté Russie) les pommes de terre douces (ou patates douces) en train de cuire pour être ensuite vendues par les marchand-e-s ambulant-e-s emmitouflé-e-s le mieux possible afin d'affronter le froid sibérien, subarctique, de la région entre novembre et mars.

Lundi 08 avril 2013 (Jérôme)

J'aime beaucoup transmettre aux étudiant-e-s de 2ème et 3ème année de "licence" (...) des points de civilisation française. Mais ce que j'apprécie également, c'est évidemment d'échanger des paroles avec eux-elles durant les pauses de 10 minutes ou de 20 minutes (...) ; des conversations où souvent il y a des jeux de comparaisons entre le quotidien chinois et ce que l'on peut vivre journellement en Occident et notamment en France. Enfin, ce qui me plaît, c'est de les écouter évoquer leur vie de tous les jours, leurs rêves, leurs histoires, leurs espoirs. Donner, partager, recevoir, voilà un bon moyen de s'immerger dans une culture différente de la nôtre.

Mardi 9 avril 2013 (Anne-Cécile)

J'aime lire les petits bonheurs de Jérôme. Cela me permet de le redécouvrir.

Vendredi 12 avril 2013 (Jérôme)

Je ne demande qu'à regarder des films avec Anne-Cécilou. C'est tellement agréable de visionner une oeuvre cinématographique après notre semaine où, pour faire simple, nous n'avons pas de place dans notre agenda pour nous ennuyer, entre les préparations de cours, l'enseignement, les corrections de copies, les tâches ménagères, l'accompagnement des enfants B. et C. dans leur cursus C.N.E.D. (ils habitent à 26 et 13 kms de notre appart'), etc... Alors, je dis "yes" lorsqu'Anne-Cé' propose que nous "mations" une comédie ou autre, souvent le week-end, confortablement installé-e-s sur le lit de notre chambre. Merci.

Dimanche 14 avril 2013 (Jérôme)

Marcel Duchamp (1887-1968). Son influence artistique est considérable sur les créateurs-créatrices dans les années 1960 et pas seulement pour cette décennie, mais pour tout le XXème siècle et encore de nos jours, parce que Duchamp est une pierre angulaire de l'art (qui s'est fait et qui se fait) de par ses pratiques et ses écrits. La majorité de ses oeuvres fait scandale (il n'est que de rappeler l'exposition de l'urinoir en 1916, son portrait revisité de "La Joconde" et qu'il a intitulé "L.H.O.O.Q." ["Elle a chaud au cul", pour ceux-celles qui seraient pudibonds-pudibondes]). Marcel Duchamp proclame que tout est art si l'artiste le décide. "Même une branche de peuplier garnie de feuilles mortes ?", me demanderiez-vous ; "Raison de plus pour la présenter dans une gallerie d'art ! ", vous répondrais-je. 

Lundi 15 avril 2013 (Jérôme)

Ce matin, entre 10h10 et 11h50, dans la salle 129 du bâtiment se consacrant aux langues étrangères d'Occident, à l'Université Normale d'Harbin, une élève m'a interrogé sur le sens à donner au verbe "trotter". J'ai "amplifié" cette question en la posant aux autres apprenant-e-s. Deux d'entre elles (...) ont, en même temps, dit que "trotter" signifiait "marcher sur un trottoir". Je n'ai pas pu m'empêcher de les complimenter, malgré l'erreur. En effet, c'est si beau d'entendre cela, c'est joli, mignon, poétique. L'on dirait du Jacques Prévert. Que d'imagination pour certaines étudiantes de 2ème année.

Mardi 16 avril 2013 (Jérôme)

Robert Fillion (1926-1987). Cet artiste a, tout comme Duchamp, détourné avec humour le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci "La Joconde" en représentant un balai, une brosse et une serpillère ("La Joconde est dans les escaliers", 1969). Robert Fillion disait : "L'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art". Cet après-midi, J. C. (7 ans - CE1) et moi, nous avons aussi, chacun à notre manière, procédé au détournement de "Mona Lisa", en jouant des feutres sur des feuilles imprimées où elle figurait. Ca fait du bien de se lâcher, de s'éclater, de s'en donner à coeur joie sur une pareille toile. Nous nous sommes transformés en iconoclastes le temps de 45 minutes.

Vendredi 26 avril (Anne-Cécile)

Soleil radieux, musique disco, par la fenêtre, je contemple les quartiers d'Harbin que je traverse pour me rendre chez les B. Nous nous engageons sur le pont qui relie la rive nord à la rive sud. Oh ! Le fleuve n'est presque plus gelé ! En deux semaines, la glace a fondu pour laisser place à des pêcheurs et des barques. Le printemps arrive !

Nous tenterons de partager d'autres petits bonheurs avec vous à l'avenir.

Bises de nous deux.